Pour comprendre tout le processus qui se déroule lors de l'évacuation d'un train, je vous fais le point dans cet article.
Un arrêt brutal, une annonce du conducteur et un sentiment d’attente sans fin, vous le sentez, le train va rester immobilisé en pleine voie. Irrité, vous vous posez des questions sur le déroulement des prochaines minutes.
C’est en effet, suite au commentaire sous un article retour d’incident que le début d’écriture de cet article a commencé.
Sachez avant tout, lorsqu’un incident nous force à déclencher l’arrêt des circulations, nous nous assurons de maintenir nos trains à quai afin de garantir votre sécurité.
Un processus bien défini
Lorsqu’un évènement qui empêche la circulation du train, est constaté, le premier geste à adopter est de le remonter aux équipes qui ne sont pas sur le terrain. Et c’est le conducteur qui est le lanceur d’alerte.
Une fois l’information signalée et en fonction de sa gravité, une salle de gestion de crise s’ouvre.
Cette salle pilotée par le DTO (Dirigeant Territoriale des Opérations) réunit les différents acteurs de la gestion de crise nécessaires à sa résolution (à savoir le secrétaire de crise, l’astreinte communication, l’astreinte territoriale etc..).
S’ensuit des échanges internes pour définir les marches à suivre (la priorité est donnée aux trains arrêtés en pleine voie, mais aussi les conditions pour la reprise du trafic avec un délai fixé etc.).).
Il faut savoir qu’une évacuation de train n’est pas une opération anodine, ni pour vous, ni pour nos équipes. Notre principale priorité reste la sécurité : celle des voyageurs et celles des agents intervenant pour effectuer l’évacuation depuis leur déclenchement jusqu’à la mise en lieu sûr de toutes les personnes présentes dans le train et contribuant à l’évacuation.
Nous devons mettre en place des dispositifs réglementaires strictes pour que celle-ci se passe dans les meilleures conditions.
Une fois la procédure d’évacuation demandée, c’est toute une chaine de l’information qui se déroule. Et c’est le représentant de la ligne en salle de crise, le dirigeant local des opérations transilien qui déclenche alors les ressources nécessaires. Par exemple, l’astreinte production, afin de se déplacer au plus vite sur le(s) trains(s) arrêtés en pleine voie.
👉 Le dirigent local opérationnel Transilien est chargé d’assembler le plan de transport, l’informations voyageurs et l’évacuation.
Arrivé sur place, le responsable de l’opération se présente au conducteur, aux équipes présentes sur le terrain et analyse la situation (vérification du point kilométrique, typologie des voyageurs, présence de personne âgée, femme enceintes, enfant en bas âge, etc.).
Le Responsable des Opérations doit également analyser les modalités d’évacuation possibles : Vers quel endroit diriger les voyageurs ? Comment procéder à l’évacuation ? Y -a-t-il la présence d’obstacles sur le parcours à emprunter à pied entre le train et le lieu sûr ? Qu’adviendra-t-il des voyageurs une fois l’évacuation terminée ? Ces étapes sont primordiales car grâce à son analyse, l’astreinte pourra proposer un plan d’évacuation au DLOT.
L’astreinte échange avec le poste de circulation afin de faire sécuriser la zone concernée : s’en suit un échange de dépêches : procédure garantissant la sécurité de toutes personnes physiques le temps de l’intervention ; et garantir les modalités de cheminement. Le Responsable des Opérations doit également briefer ses équipiers, qui l’assisteront lors de l’évacuation : positionnement et rôle de chacun, typologie et nombre de voyageurs, mesures de sécurité prise, cheminements prévus des voyageurs, etc. C’est donc toute cette analyse faite en amont qui va déterminer dans quelles conditions l’évacuation va pouvoir être réalisée.
👉 Le responsable opérationnel est :
-
- formé et autorisé au risque ferroviaire
- formé à la mission de responsable de l’opération
- sensibilisé pour assurer la sécurité de tous les passagers
Le responsable de l’opération conçoit toute la mise en œuvre du parcours, demande des protections au poste de circulation (elles serviront aux agents intervenants lors de l’évacuation et également pour les voyageurs qui seront évacuées), pour pallier le risque de heurt par une circulation. Lorsqu’il valide l’évacuation, il doit garantir la maitrise des déplacements pour faire circuler les voyageurs avec prudence afin d’éviter tout risque d’accident une fois hors du train et jusqu’au retour en gare ou au point d’évacuation du réseau.
Depuis le début de l’article nous parlons d’évacuation, il faut savoir qu’une organisation sensiblement similaire est appliquée en cas de transbordement : c’est-à-dire lorsque les voyageurs d’un train sont « transférés » dans un autre train en dehors d’un quai voyageur. Cela nécessite un second train et des mesures de protections avant l’arrivée du second train ainsi que l’autorisation de sa remise en marche avec tous les voyageurs à bord.
Nous devons, parfois, également faire appel aux secours : en cas de malaise ou de personne à mobilité réduite (personne âgée, femme enceinte ou PMR/UFR) afin de nous assister dans leur déplacement en sécurité.
Cet ensemble d’organisation demande du temps, de la réflexion, de la concentration et du sang-froid. C’est la raison pour laquelle le rôle de RO (Responsable Oppérationnel) est une mission enseignée seulement à certains de nos agents.
En cas d’évacuation sans agent
Notre priorité est d’assurer votre sécurité. Nous devons donc appliquer des règles strictes, que vous avez surement déjà entendues.
⚠ Rappel à la règle
Dans tous les cas, lors d’un arrêt en pleine voie, que ce soit pour une courte ou longue durée, nous vous demandons systématiquement de ne pas tenter d’ouvrir les portes et par définition, de ne pas descendre sur les voies.
Il existe de nombreux risques à sortir du train sans assistance. Le premier étant que vous engagez votre propre responsabilité si vous n’avez pas été autorisé par un agent représentant de la SNCF à quitter le train.
Le suivant, pourrait être la chute à la descente du train qui se trouve parfois à plus d’1 mètre de hauteur. S’ajoute le risque d’électrisation ou d’électrocution et le risque d’un heurt avec un autre train en circulation.
Descendre de vous-même dans les voies va également contraindre le reste des trains encore en circulation a devoir s’arrêter. Eh oui, cela a une incidence sur tous les autres trains en circulation 🚊.
De ce fait, au lieu d’avoir un seul train arrêté en pleine voie, c’est une multitude de trains qui se retrouvent arrêtés en pleine voie avec autant de situations individuelles à gérer (forte affluence, malaise etc.). Au-delà de ça, votre comportement peut inciter d’une manière ou d’une autre à la mise en danger d’autres voyageurs potentiellement influencés par votre décision.
Vous l’aurez compris, cela va complexifier la gestion de la situation initiale et nécessiter la mise en place de mesure de sécurité supplémentaires et donc rallonger considérablement la durée de l’intervention initiale.
🙏 Votre aide est donc précieuse pour éviter et limiter le risque de dégrader davantage la situation !
Tous ensemble, faisons en sorte de limiter les risques et les mises en situations dangereuses. Sachez que dans chaque circonstance, les agents présents vous donneront les consignes de sécurité à appliquer : rester dans le train, consignes d’évacuation, de transbordement, le moment venu.
Bonjour
Merci de cet article passionnant!
À la lecture de l’article j’ai l’impression que ça doit prendre des heures…
-Combien de temps faut-il entre la remontée de l’incident et la décision d’évacuer?
-Où est-ce le plus compliqué, sur la ligne, pour évacuer?
-Est-ce que la communication avec les voyageurs est toujours active, même si le train se retrouve privé de courant?
-Plutôt que de transborder, pourquoi ne pas pousser ou remorquer le train en panne avec un autre en ligne, avec les voyageurs encore à bord?
cordialement
Bonjour Erwann, je vais essayer de répondre à toutes vos questions, mais, effectivement, l’évacuation des passagers ne se fait pas en quelques minutes.
Il faut compter :
👉le délai de prise en compte de l’incident, d’ailleurs celui est aléatoire et ne peut être précis (avec de la chance, nous avons un ou plusieurs Responsables de l’Opération de disponibles, à proximité du lieu de l’incident) ;
👉temps de trouver les ressources,
👉de se rendre sur les lieux, d’analyser la situation etc.
Concernant votre question sur les lieux d’évacuations les plus compliquées, il n’y en a pas vraiment car chaque lieu a ses caractéristiques 🤔
–Est-ce que la communication avec les voyageurs est toujours active, même si le train se retrouve privé de courant ?
Comme tout dispositif, nous sommes contraints à un besoin en électricité : nous avons au niveau des trains un minimum de tenu sans alimentation électrique de la caténaire ; mais cette durée est faible par rapport au temps nécessaire avant de procéder à une évacuation.
Le conducteur ne peut pas passer dans son train, car il se doit de répondre à son « secours radio » pour communiquer encore un peu avec les services extérieurs : COT, Agent Circulation, etc. ; mais cela ne lui permet pas de diffuser des annonces à bord. Pour autant, s’il remonte son train pour passer de voiture en voiture, il ne peut pas être informé des éléments externes via son « secours radio » en cabine.
–Plutôt que de transborder, pourquoi ne pas pousser ou remorquer le train en panne avec un autre en ligne, avec les voyageurs encore à bord ?
Pousser ou remorquer, il faut savoir que porter secours à un train en détresse ne peut pas toujours s’organiser.
Pour plusieurs raisons :
👉il faut avoir une locomotive/un train à disposition,
👉avoir un agent de conduite autorisé à l’engin moteur,
👉avoir la possibilité pour les installations de réaliser le secours par l’arrière ou par l’avant dans les conditions de sécurité nécessaires.
L’incident peut aussi empêcher l’acheminement d’un engin moteur de secours. Et parfois, c’est plus long à organiser que d’évacuer ou transborder 😉.
Bonjour,
Pour compléter la réponse de Louise — il se trouve que j’ai justement autorisé une évacuation il y a peu — quelques éléments :
— chaque lieu est unique, effectivement : mais il y a quand même des catégories de lieux plus compliquées par définition pour une évacuation, comme un tunnel ou un viaduc. D’ailleurs, le train qui a été évacué sous ma garde était arrêté partiellement en tunnel, à la sortie de la gare de Saint-Ouen.
— le temps que ça prend : malheureusement parfois la situation n’est pas toujours immédiatement claire ; sachant que si c’est le train qui est en panne, le conducteur dispose d’un quart d’heure forfaitaire pour se dépanner. Souvent les décisions sont prises rapidement, mais suivant l’heure de la journée les astreintes peuvent mettre beaucoup de temps à arriver…
— pourquoi ne pas pousser le train : ce sont des choses qu’on fait, mais comme le dit Louise, ce n’est pas toujours possible. Par exemple dans le cas du train à Saint-Ouen dont je parle plus haut, il n’y avait plus de courant dans la caténaire, donc un autre train n’aurait pu venir le secourir. Un autre exemple me vient en tête : celui du train en panne à l’entrée de BFM en octobre 2021, qui a connu de multiples problèmes dont une fuite de conduite générale l’empêchant de débloquer ses freins. Un train vide se trouvait juste derrière lui et aurait pu le pousser à quai (avec les mesures de sécurité appropriées), sauf que la nature de la panne aurait obligé le conducteur du train en panne à isoler ses freins : hors de question de pousser un train plein de voyageurs qui n’a plus de freins, c’est une catastrophe garantie. Évacuer ce train était donc indispensable.